Selon les données du Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS), la pratique circassienne amatrice en France comptait 23,4 millions de personnes1 en 2018, dont 4 % qui ont pratiqué le cirque au cours de leur vie et 1 % qui ont déclaré avoir eu une pratique du cirque au cours des douze derniers mois. À l’appui de ces pourcentages, nous pouvons constater que les arts du cirque comportent une part non négligeable de praticien·ne·s non professionnel·le·s âgé·e·s de quinze ans ou plus. Cette étude ne spécifie pas les conditions de ces pratiques amatrices, qui ne s’effectuent pas toujours au sein des écoles de loisir et dans le cadre de leurs enseignements. En effet, la population qui nous intéresse pour cet article représente un pan particulier des praticien·ne·s de cirque : des amateur·trice·s qui pratiquent les arts du cirque — et plus particulièrement celui de la corde lisse — sans encadrement pédagogique. Pourtant porteuse de savoirs2 et active dans les cercles restreints de la pratique circassienne, la pratique amatrice non encadrée échappe à tous les radars; autrement dit, elle est invisible. De plus, la pratique amatrice reste peu documentée et étudiée en dehors du cirque social et de la pédagogie du cirque de loisir. Au regard de ces constats, il semble nécessaire et légitime de se demander en quoi la pratique amatrice non encadrée de la corde lisse diffère de n’importe quelle pratique amatrice physiquement engageante. Afin de saisir les spécificités de la pratique amatrice non encadrée, nous emploierons pour cet article plusieurs ressources issues d’une enquête qualitative et d’une immersion dans le terrain. Tout d’abord, cet article reposera sur les résultats d’un questionnaire diffusé en juin 2022 en anglais et en français auprès de praticien·ne·s de corde lisse. Au total, dix-huit retours ont été récoltés et portent les témoignages de personnes âgées de vingt à cinquante-deux ans dont la durée pratiquée oscille entre quatre ans au minimum et trente ans au maximum au moment du questionnaire. À cette première ressource s’ajoute une expérience personnelle de cordéliste offrant un accès précieux aux espaces d’entrainement et à la culture circassienne. Le matériau empirique qui repose sur ma pratique de la corde lisse sera aussi mobilisé dans cet article pour offrir une description fine de cette discipline. En outre, ma posture de cordéliste — en tant qu’amatrice non encadrée — me permet d’observer et d’accéder à une certaine réalité de la pratique de la corde lisse.

En effet, dans le cadre de ma propre pratique aérienne, j’ai pu apprécier la complexité de la pratique amatrice non encadrée dans plusieurs contextes : en individuel à l’université et au sein d’un entrainement collectif dans une école de cirque de loisir. Dans le premier cas, l’entrainement3 a pu se mettre en place grâce aux installations de la Maison de la création et de l’innovation (MaCI) du campus grenoblois et à son équipe. Dans le second cas, il s’agit d’un entrainement libre qui rassemble de nombreux·euses circassien·ne·s au sein de l’école de cirque d’Eybens4 (38320, France) sans obligation de régularité ni de certification d’un niveau technique. Ces expériences ont permis d’accumuler des observations et des témoignages récoltés à partir d’une pratique vécue et d’échanges dans les espaces de pratique. À partir de ces matériaux et terrains, et dans le but de comprendre et caractériser la pratique amatrice non encadrée, nous tenterons d’abord de définir ce qu’est un·e amateur·trice non encadré·e avant d’interroger ses modes d’apprentissage, et nous exposerons également le cadre de son activité en finissant par révéler certains de ses motifs d’agir. Si Magali Sizorn identifiait parmi les trapézistes professionnel·le·s une « valorisation de l’obstination au travail » (70), l’éclairage que propose cet article sur la pratique amatrice non encadrée — peu visible et étudiée — pourrait faire émerger une autre façon d’éprouver et de comprendre la persévérance dans le cadre du cirque amateur.

Profil et modes d’apprentissage de l’amateur·trice non encadré·e

Dans notre tentative de définir l’amateur·trice de cirque non encadré·e, il convient de s’intéresser en premier lieu aux façons dont est pensé·e l’amateur·trice. Perçue comme une activité du plaisir, la pratique amatrice serait d’abord une pratique « dénué[e] d’enjeu économique » (Bourneton et coll.). Dans les conseils qu’il prodigue aux lecteur·trice·s, Georges Strehly impose même radicalement « Faites de l’art, et non du métier » (357) en opposant le plaisir léger de l’amateurisme aux déconvenues d’une carrière d’acrobate. Être amateur·trice serait d’abord une affaire d’amour, et John D. Drummond le justifie par l’étymologie du terme : « Le dérivé du mot “amateur” est amo, amare, en latin “aimer.” Un·e amateur·trice est simplement une personne qui aime quelque chose […] »5 (3). Néanmoins, dans son étude sociologique de l’amateur·trice moderne, Robert Stebbins considère que l’amour ne suffit pas à définir l’amateurisme, compte tenu du fait qu’un·e professionnel·le partage aussi ce sentiment vis-à-vis de son activité. Concernant l’opposition entre amateur·trice et professionnel·le, il ajoute que « nous devons éviter la pensée unilatérale qui dresse l’amateur·trice contre le·la professionnel·le en matière de, par exemple, petite versus grande compétence, intrinsèque versus extrinsèque récompense, passe-temps versus vocation, ou loisir versus travail »6 (44). Pour Stebbins, l’amateurisme est possible lorsque l’activité possède un versant professionnel — cela ne peut donc pas concerner les enfants ni certains passe-temps — et il définit l’amateur·trice comme une personne « qui gagne sa vie en faisant autre chose, mais qui est clairement expert·e dans son domaine de loisir respectif »7 (21). De ces différentes considérations, la figure de l’amateur·trice apparaît comme une entité complexe porteuse de nombreux savoirs et animée par une grande passion envers sa pratique.

Il serait possible de définir ainsi l’amateur·trice non encadré·e de cirque, à ceci près que son profil présente des caractéristiques plus précises. Dans le cas du cirque,8 la pratique amatrice n’exige pas de finalités spectaculaires ou de visibilité publique, mais elle peut en produire : les amateur·trice·s peuvent être impliqué·e·s dans des créations, tout comme ils·elles peuvent être à l’origine de la création de contenus numériques partagés en ligne. Bien que l’amateur·trice de cirque se situe en dehors des logiques du marché du spectacle vivant institutionnalisé, il·elle n’est pas pour autant une figure isolée. À ce propos, Stebbins rappelle qu’il y a toujours un public, même pour l’amateur·trice : « son vrai public peut être petit, composé d’ami·e·s, de proches, de voisin·e·s, [sic] ou d’autres amateur·trice·s engagé·e·s dans la même activité »9 (28). Bien que la pratique de la corde lisse, dans le cadre qui nous occupe,10 se caractérise par les retrouvailles d’un seul corps et d’un agrès, la pratique non encadrée ne signifie pas systématiquement une pratique solitaire ou autonome. Que ce soit dans les entrainements individuels que j’ai effectués ou dans la pratique solitaire de la corde lisse lors d’entrainements collectifs, la présence d’autres personnes est indispensable pour des questions de sécurité. En effet, la corde lisse — comme d’autres pratiques acrobatiques — impose la présence du corps en hauteur, et de ce fait, le risque de chute et d’accident. La pratique de la corde lisse non encadrée ne peut pas se dispenser de tierces personnes, et relèverait donc d’un amateurisme individuel dans un contexte collectif. Le caractère individuel de la pratique amatrice non encadrée se caractérise par une pratique faite pour soi et par soi, a contrario de la pratique amatrice dispensée en école de cirque de loisir, qui est encadrée et à destination d’un large public (des cours d’éveil pour les très jeunes enfants aux enseignements destinés aux personnes âgées). Bien que les cordélistes soient aussi « acteurs d’une activité individuelle exacerbant les ressentis » (Chavaroche 156), cette pratique aérienne fait plus difficilement appel au sentiment de communauté que Lionel Chavaroche a perçu dans la communauté de la slackline.

Les contours de la figure de l’amateur·trice ayant été tracés, il convient d’étudier plus en profondeur le profil des amateur·trice·s non encadré·e·s. Bien que les praticien·ne·s de corde lisse soient seul·e·s sur leurs agrès, l’espace d’entrainement est toutefois occupé par d’autres praticien·ne·s qui tirent profit des rares créneaux dédiés aux entrainements libres des salles adaptées à la pratique aérienne. Si la pratique aérienne implique la co-présence de praticien·ne·s pour des raisons de sécurité, elle impose aussi quelques contraintes techniques : un espace possédant de la hauteur, et surtout des points d’accroche pouvant supporter les charges exercées lors des suspensions, des figures et des chutes. Lorsqu’une personne occupe l’espace aérien en pratiquant, les autres auront des rôles non négligeables : encourager, aider par l’observation et le commentaire, transmettre des savoirs de façon informelle. La présence de collègues de pratique fonctionne aussi comme une aide à la motivation, parfois en défaut du fait de l’absence de cadre pédagogique. Les espaces d’entrainement libres observés accueillent des amateur·trice·s et des professionnel·le·s, sans distinction entre les deux. La façon dont les amateur·trice·s se définissent va dans le sens d’une indifférenciation entre amateur·trice·s et professionnel·le·s : très peu utilisent le terme « amateur·trice » et préfèrent se désigner comme circassien·ne·s. Au regard des carrières des praticien·ne·s rencontré·e·s, le constat de Stebbins se confirme : « L’amateur·trice n’a jamais sérieusement porté de telles ambitions [de rejoindre le milieu professionnel], ou, si tel a été le cas, il a échoué, pour une raison ou une autre, à entrer dans ce milieu »11 (36). La salle d’entrainement n’est pas le seul espace où peuvent se (re)trouver les amateur·trice·s de corde lisse; il existe des rencontres aériennes fonctionnant sur le même mode de ralliement et de partage que les conventions de jonglerie. Les praticien·ne·s — amateur·trice·s ou professionnel·le·s — s’y rassemblent pour saisir l’occasion de s’entrainer sur un temps long (plusieurs jours consécutifs) et de sortir d’une pratique solitaire et routinière en allant chercher de nouveaux mouvements ou d’autres façons d’explorer corporellement leurs agrès.

Un autre élément fondamental pour saisir les spécificités d’une pratique amatrice non encadrée de la corde lisse est la question des modes d’apprentissage. Il s’agit à présent d’étudier les voies d’accès à ce statut particulier, ainsi que les modes d’acquisition et de mobilisation des savoirs incarnés de la corde lisse. Les informations récoltées dans le questionnaire, ainsi que celles relevées depuis le terrain, démontrent que les amateur·trice·s non encadré·e·s pratiquent depuis plusieurs années après une découverte du cirque et un enseignement en école de loisir, dont l’âge ou le plateau atteint dans l’évolution des compétences techniques a conduit à adopter une pratique dite « libre ». Les praticien·ne·s interrogé·e·s au sein du terrain ou par le biais du questionnaire indiquent avoir appris les bases de la pratique avec des professeur·e·s, mais ne suivent plus de cours, car ils·elles n’ont « plus rien à y apprendre ». Pour autant, des évolutions dans les compétences techniques et le répertoire gestuel sont espérées. Pour cela, les praticien·ne·s non encadré·e·s ont mentionné dans le questionnaire avoir recours à différentes techniques : une recherche individuelle sur l’agrès par des improvisations afin de « chercher des nouveaux chemins », une recherche collective ou une transmission informelle par les partenaires de pratique sur le mode du « partage » de savoirs, ou encore un copier/expérimenter qui se fait à partir de l’observation des mouvements vus en spectacle12 ou en vidéo. En suivant la même logique, les praticien·ne·s interrogé·e·s identifient parmi les personnalités importantes de leur parcours d’aérien·ne·s : les enseignant·e·s (coachs, maître·sse·s, professeur·e·s), les personnes suivies sur Instagram ou d’autres réseaux sociaux, l’entourage (à l’exemple des proches qui les soutiennent ou des partenaires d’entrainements) et les inspirations artistiques (artistes reconnu·e·s dans le milieu du cirque, par exemple). Plus tôt dans l’article, nous avions mentionné le fait que les praticien·ne·s non encadré·e·s peuvent ponctuellement sortir du cadre habituel de l’entrainement pour rejoindre les espaces de partage de savoirs et de pratique que sont les rencontres ou conventions aériennes. Ces temps de pratique sortent les praticien·ne·s de leur zone de confort en exposant leurs niveaux et leurs identités de cordélistes à d’autres praticien·ne·s (plutôt que ceux·celles qui partagent habituellement les entrainements). L’alternance entre des temps de pratique ordinaires et des conventions ponctuelles déplace les praticien·ne·s dans leurs habitudes d’entrainement en les confrontant à d’autres façons de pratiquer et à d’autres possibilités de mouvement sur l’agrès. Afin de conserver le répertoire découvert lors de ces événements, les praticien·ne·s ont recours à la prise de notes, au croquis et plus généralement à l’enregistrement vidéo; la conséquence est la contamination de certaines figures depuis les rencontres aériennes vers tous les autres espaces d’entrainement où retournent ensuite les praticien·ne·s.

À propos du yoga, Anne-Cécile Hoyez remarque : « au-delà des implications individuelles, [sic] se trouvent des pratiques de groupes [sic] (le yoga se pratique parfois seul, mais s’apprend souvent en groupe) qui véhiculent des normes que l’on pourrait qualifier de globales […]. » Le caractère collectif inhérent à la pratique de la corde lisse — même si elle se vit seule — impacte les modes d’apprentissage qui reposent surtout sur une circulation des savoirs entre praticien·ne·s. Cependant, la mémorisation d’une séquence de mouvements ou d’une figure et sa mobilisation dans l’entrainement suffit-elle à retrouver les sensations visées? Une des participantes au questionnaire témoigne sur ses méthodes pour intégrer de nouveaux savoirs à la corde lisse : « Je vais me fixer sur une courte phrase ou séquence et la traverser par plusieurs répétitions. Je vais enregistrer en vidéo, regarder l’enregistrement, et ensuite retraverser la séquence, et la réviser encore et encore. Cela a été essentiel pour moi pour trouver un style que je ressens comme authentique et proche de mon corps. »13 Nous pouvons ainsi constater que dans la pratique amatrice non encadrée, l’incorporation des mouvements soulève un paradoxe : il faut à la fois être au plus proche14 de ce que la séquence ou la figure doit ressembler (à partir du modèle depuis lequel elle a été apprise) et être à l’écoute de ses sensations. Sur ce dernier point, la pratique amatrice non encadrée de la corde lisse se rapproche de la « technique sensible » de la fildefériste Marion Collé, qui « [s]’entraine à cultiver des sensations, à les reconnaître, à [s]e les approprier sans pour autant les figer » (323). De plus, Bernard Andrieu expose que « la répétition d’une même activité corporelle […] approfondit la connaissance de ses limites, le repérage des sensations et l’habituation physique » (28). Les routines des entrainements ouvrent la voie à une forme de confort sur son agrès et à une conscience fine de son corps dans des situations instables comme la suspension. Le corps doit être entretenu tout autant que la concentration — garante de sécurité — qui doit être aiguisée afin de se rendre vigilant·e à l’instant présent et aux négociations du corps avec l’axe vertical. Par l’entrainement et l’habituation sur le long terme, le corps se familiarise avec certaines déconvenues de l’aérien : la peau s’endurcit, la corne se forme et le corps trouve ses chemins sur la corde, dont la matière est meurtrissante. En effet, la répétition d’un même mouvement ou d’une même phrase chorégraphique mène à une « connaissance écologique de l’air » (Andrieu 56) qui permet au corps, dans une situation inhabituelle, de trouver des repères, de savoir où se placer, où mettre son poids et où trouver des appuis. Par l’exercice récurrent, les praticien·ne·s incorporent des techniques et créent des habitudes dont l’ensemble forme une mémoire incarnée : « […] la douleur et le plaisir pourront être davantage acceptés si nous retrouvons en nous les degrés déjà incorporés » (Andrieu 27).

Entrainement et motifs d’agir : vers une écoute de soi

Bien que la figure de l’amateur·trice non encadré·e ne dépende d’aucun enseignement pour exister, nous commençons à entrevoir que certains contextes la rendent possible. L’analyse que nous allons faire de l’environnement de la pratique amatrice non encadrée — et de ce qui s’y déroule — a pour objectif de révéler les particularités de la discipline de la corde lisse dans ce contexte. Les pratiques aériennes rassemblent une grande variété de disciplines qui sont nommées et catégorisées en fonction de l’agrès utilisé : corde lisse, trapèze, cerceau, etc. Si chacune de ces spécialités circassiennes implique un agencement dans l’espace et un répertoire gestuel différents, elles se rejoignent pourtant sur l’engagement corporel nécessaire, ainsi que sur la fascination produite. L’évolution acrobatique et chorégraphique d’un corps dans l’air suscite rêverie et fantasme, deux éléments largement nourris par l’imaginaire qui accompagne les disciplines aériennes (l’envol, la légèreté et la lévitation, pour ne citer que quelques exemples). Pourtant, la considération de l’entrainement qui permet la pratique aérienne désacralise ces disciplines en réinsérant la notion d’effort au sein d’un fantasme du surhumain. Peta Tait rappelle ainsi : « […] et bien que les corps aériens en l’air soient souvent décrits comme laissant une impression d’insubstantialité, la substance de la performance aérienne provient d’un entrainement physique intense »15 (2). La question de l’entrainement relève d’une importance capitale pour la pratique amatrice non encadrée, car c’est dans ce temps et dans cet espace qu’elle peut exister et révéler ses spécificités. L’entrainement renvoie à l’idée d’un apprentissage par répétition méthodique; il relèverait alors d’une forme instinctive d’activité répétitive dont l’issue est l’apprentissage, ou en d’autres termes, le fait d’amener à soi de nouvelles capacités. Les sciences et techniques impliquées dans les activités physiques et sportives ont permis de spécifier ces définitions en faisant de l’entrainement la « planification et l’organisation d’un processus de transformation qui consiste à faire passer le pratiquant, sportif ou non, d’un état initial constaté à un état final désiré » (Roger 6). L’entrainement serait ainsi accompagné d’objectifs et d’un changement d’état, ou du moins, de l’entretien et du perfectionnement d’un état donné. Les enjeux spécifiques de l’entrainement circassien sont étudiés dans un rapport de recherche du projet LACE16 — qui porte sur les pratiques professionnelles et préprofessionnelles du cirque — coordonné par l’Ésacto’Lido17 dans le but de « maintenir et […] développer les acquis techniques propres à la spécialité de l’artiste de cirque, mais aussi […] entretenir ses capacités corporelles » (Saroh et coll. 3). L’amateurisme non encadré n’impose pas la représentation publique des acquis corporels, pourtant il s’attache fortement à l’apprentissage de figures et d’une routine que l’entrainement permet d’incorporer sur le long terme. En outre, sans objectif final de création, la pratique se fait acharnement sous forme de lutte personnelle pour ne pas perdre ce qui a été acquis pendant des années : le répertoire gestuel, la musculature, la connaissance de l’agrès. Si, plus haut, nous pouvions lire que l’entrainement permet d’atteindre « un état désiré », il fonctionne surtout comme une tentative de pérenniser ce qui a été construit durablement dans la pratique amatrice et autonome. En ce qui concerne l’entrainement, Agathe Dumont reconnaît que ce dernier permet « la marque d’un mouvement » et « la formation progressive » (138). Sans la régularité de l’entrainement, le corps perd de son endurance, du muscle, de la tonicité, et le plaisir s’atténue face à la difficulté de la reconquête de l’état désiré.

Dans le terrain intégré à Eybens, l’entrainement a lieu dans une grande salle sans miroirs d’une hauteur de cinq mètres sous plafond et dure deux heures à raison de trois créneaux par semaine. Les agrès restent installés aux mêmes points d’accroche, et les tapis de réception sont placés en dessous au moment de la pratique. Les praticien·ne·s utilisent de la magnésie ou de la résine pour favoriser l’adhérence à l’agrès (que ce soit au niveau des mains, des jarrets ou des pieds). En écho avec ce qui a été exposé précédemment, les carnets et téléphones portables sont présents et à proximité de l’espace de pratique afin de pouvoir consulter ses notes ou ses enregistrements d’un mouvement. Parmi les réponses des participant·e·s au questionnaire, d’autres espaces sont apparus comme des possibilités pour un entrainement aérien non encadré : les lieux spécialisés dans les arts vivants (salles de spectacle, studios), les lieux dédiés aux pratiques physiques (écoles de cirque, gymnases, salles d’escalade) et les lieux privés ou domestiques (grange, extérieur). Les fréquences d’entrainement varient aussi en fonction de ces espaces : neuf praticien·ne·s sur dix-huit s’entrainent une à trois fois par semaine, six s’entrainent tous les jours, et les autres indiquent une pratique irrégulière. Bien que les espaces de pratique collectifs cadrent les possibilités d’entrainement, nous rappelons que la pratique amatrice non encadrée s’insère bien souvent dans un quotidien chargé où les responsabilités professionnelles et familiales laissent souvent peu de place au temps pour s’entrainer pour soi. En prenant en compte l’indifférenciation entre amateur·trice·s et artistes dans les lieux de pratique et une contamination des mouvements à intégrer au sein des groupes de cordélistes, le temps d’entrainement réduit et l’évolution lente qu’il propose peuvent conduire à une frustration qui « émerge des amateur·trice·s ayant assimilé des standards professionnels élevés de performance, accompagnés par un manque de temps et d’expérience, d’entrainement, et d’équipement avec lesquels les rencontrer » (Stebbins 42). Même s’il n’est pas professionnel, l’entrainement amateur est méthodique du fait même de l’aspect non encadré qui impose une rigueur pour soi-même.

Depuis les données du terrain et les réponses du questionnaire, nous observons que les entrainements respectent une routine qui reprend des éléments similaires entre les différentes expériences : un premier temps d’échauffement au sol (mobilisations articulaires, réveil du corps) suivi d’un conditionnement et d’un renforcement musculaire (préparation physique, gainage); la rencontre avec l’agrès, qui débute par un temps d’accordage (s’échauffer sur l’agrès, effectuer des montées ou des mouvements déjà intégrés); un temps d’exploration sur des mouvements à perfectionner ou acquérir; et, finalement, un étirement termine la séance. Si la structure de ce programme peut être assimilée aux entrainements encadrés dans des écoles de cirque de loisir, il s’en distingue par son contenu. En effet, malgré une routine très cadrée, c’est l’écoute de soi qui prime dans l’entrainement amateur non encadré, comme les réponses des praticien·ne·s au questionnaire en témoignent : « Aller à la grange, faire de la corde lisse comme j’ai envie »;18 « Honnêtement, je m’entraine comme je veux, quand je veux »;19 « C’est l’envie et l’imagination qui me font évoluer dans mon parcours aérien »; « La routine peut changer selon l’envie et selon les besoins du moment ». Dans la pratique amatrice non encadrée, l’état à atteindre est calibré par les praticien·ne·s et s’étoffe au fil des années pour trouver une forme de personnalisation dans le geste. Si les stages, les workshops et les rencontres permettent une ouverture de la pratique vers d’autres modalités de mouvement, l’entrainement, dans sa qualité quasi introspective, opère un recentrement de la pratique et un perfectionnement des acquis. Afin de remplir ces objectifs alternatifs, une routine se met en place et se calibre de façon très personnelle, souvent au gré des différentes pratiques qui ont été parcourues au fil du temps, mais surtout à partir des envies des praticien·ne·s.

En plus d’apprivoiser les potentialités de son propre corps et de favoriser l’écoute de soi, l’aérien nous pousse à nous familiariser avec l’agrès, le vide et la douleur pour garder le plaisir et le confort comme éléments premiers de la pratique. La configuration verticale et le mouvement qu’impose la corde lisse sous-entendent une forme de persistance : celle de jouer avec la gravité malgré notre condition terrestre. « L’accès à la légèreté est le résultat d’une ascension, qui fait appel à tout notre dynamisme, puisqu’il s’agit de remonter une pente que tout nous porte à descendre […] » (Chalanset 79). Cette citation évoque la fatalité d’une pratique dans laquelle nous sommes condamné·e·s à persister dans un savoir à entretenir et périssable. L’entrainement poursuit cela par sa dimension répétitive, et le mouvement même que la corde lisse permet s’inscrit dans une forme de rengaine que Camilla Damkjaer illustre ainsi : « Tu ne peux pas rester sur une corde pour un temps long, et chaque fois que tu veux refaire un mouvement tu dois remonter à nouveau, uniquement pour redescendre peu de temps après, remonter encore et ainsi de suite »20 (91). L’agrès impose une forme d’engagement, d’abord du point de vue corporel parce qu’il donne accès à un espace en hauteur que notre propre poids refuse d’habiter durablement, mais aussi d’un point de vue relationnel. En effet, malgré « la dure réalité du rapport à l’agrès » (Sizorn 67), les praticien·ne·s décrivent une relation forte à l’agrès (amour, amitié) basée sur la complicité et la confiance. Bien que tous·tes les praticien·ne·s ne possèdent pas systématiquement leur propre agrès, un soin et une attention envers l’état de l’objet sont constatés. L’amplitude extrêmement vaste des possibilités de mouvements à la corde lisse tient aux caractéristiques de l’agrès (sa taille, son poids, sa texture, son usure, sa malléabilité, sa hauteur) comme à sa verticalité de laquelle découlent, en contrepartie, les désillusions d’une quête de légèreté (brûlures, hématomes, sensation permanente de chuter).

La régularité de l’entrainement offre des récompenses non négligeables : une tolérance élevée à la douleur, un apaisement de l’appréhension de la hauteur, une évolution visible de la dextérité et un corps qui porte les traces du passage de la corde (notamment la corne qui se forme aux endroits où l’agrès frotte le plus et rend ces zones moins sensibles). La pratique du cirque pousse le corps à atteindre des états non ordinaires, à repenser les repères du quotidien et à changer de perspective; il devient ainsi douloureux de voir s’éloigner ces occasions d’être autre, ainsi que les sacrifices consentis jusqu’à cet état. À ce propos, le manque d’une pratique aérienne installée depuis des années peut être perçu à différents niveaux : la perte musculaire, la perte des habitudes de pratique, l’absence d’un endroit d’évasion et, surtout, le besoin de se suspendre. Si le retour à sa pratique après un temps d’arrêt se caractérise surtout par un retour en arrière du point de vue de la tolérance à la douleur et de l’endurance physique, il permet aussi de réaliser les bénéfices de la suspension, qui offre un moyen extrêmement efficace de s’étirer en profondeur par le relâchement du poids de l’ensemble du corps — par exemple, en se tenant uniquement par les mains, l’ensemble du dos adopte une nouvelle longueur en s’allongeant, le bassin se libère de ses tensions et les jambes cèdent à la gravité. Conserver ses capacités physiques et techniques en dépit des blessures, de la fatigue, de l’âge, de la maladie, de la maternité ou d’autres raisons fait entrer la pratique de la corde lisse dans une lutte permanente inhérente à toute pratique qui demande un entrainement pour le maintien de capacités corporelles, qui sont, par essence, périssables. Si Bourneton et coll. identifiaient une « injonction à ne pas s’écouter » chez les artistes de cirque et de danse au sommet de leurs carrières, la pratique amatrice non encadrée serait constituée et rythmée avant tout par l’écoute de soi.

À l’instar des autres disciplines du cirque, la corde lisse est une pratique corporelle pourvue d’intention créative, et sa particularité réside dans un certain rapport à l’espace aérien, à la verticalité et à l’agrès. S’il semble cohérent d’affirmer que l’entrainement constitue une fin en soi pour les praticien·ne·s amateur·trice·s non encadré·e·s, nous souhaitons finir cette partie par un regard sur les motifs d’agir21 des praticien·ne·s. Dans son analyse phénoménologique de la pratique du pole fitness, Ariel Janoah Dimler énumère cinq thématiques dans les finalités de la pratique éprouvées par les participantes de son étude : « l’acceptation du corps tel qu’il est, la confiance en soi, l’aisance avec une expression sexuelle, l’environnement soutenant et l’appréciation des capacités corporelles »22 (39). Pour ce qui est de la pratique du yoga, Anne-Cécile Hoyez mentionne d’autres motivations issues des attentes projetées sur la pratique : « quête de guérison, de bien-être, quête spirituelle, recherche d’un esthétisme particulier ». À cela, elle ajoute que le yoga permet, à travers la mobilisation du corps, « d’exploiter un espace personnel de liberté et de résistance […] ». Toujours dans le contexte du yoga,23 Hélène Brunaux et coll. constataient plus généralement que « les pratiques corporelles représentent un espace de sensations permettant d’atteindre un état pour prendre de la hauteur sur le contexte vécu. » La corde permet littéralement de prendre de la hauteur et de constater ses états corporels, mais aussi de mettre à l’épreuve une résistance envers sa condition terrestre. Les différents motifs d’agir cités sont aussi applicables à la pratique de la corde lisse en tant qu’activité corporelle qui permet une forme de bien-être, d’entretien de soi et d’expression corporelle. Toutefois, d’autres finalités apparaissent dans les réponses au questionnaire dont les participant·e·s expriment un besoin de pratiquer : « j’en ai besoin pour me sentir complet »; « ça fait juste du bien ».24 En plus de la dépendance à la pratique, les praticien·ne·s mentionnent l’amour pour leur discipline aérienne qui leur procure plaisir et leur permet de se dépasser. La spécificité de la corde lisse en matière de motifs d’agir apparaît dans le désir de retrouver la connexion avec l’agrès et sa verticalité, ainsi que les sensations éprouvées; une praticienne dit attendre de sa pratique un état de concentration accrue qui lui permet d’être « plus attentive à ses gestes ».

Conclusion : regard sur la persévérance des amateur·trice·s non encadré·e·s

À travers cet article, nous avons essayé de parcourir un espace peu connu en analysant la pratique amatrice non encadrée de la corde lisse. Il est apparu que cette pratique est le fruit d’une diversité de modes d’apprentissage et de motifs d’agir, et qu’elle ne nécessite aucune forme d’enseignement pour exister, car il y a déjà des acquis incorporés et des savoirs à entretenir. La dimension individuelle de la pratique de la corde lisse tient de la relation intime à l’agrès et à l’espace qu’il ouvre, et le caractère non encadré se rattache, lui, aux modes d’apprentissage qui se font sur le modèle de l’autoformation et du partage de connaissances. Rassemblant principalement des adultes ayant eu une expérience du cirque sur le long terme, la pratique amatrice non encadrée pose la question de la persévérance, qualité qui apparaît comme condition d’existence d’une activité faite pour soi et par soi. Si, selon Stebbins, la persévérance est une des attitudes qui permet de distinguer amateur·trice·s et professionnel·le·s (38), l’étude des spécificités de la pratique amatrice non encadrée de la corde lisse aura fait apparaître une autre forme de persévérance dans cette activité corporelle. En envisageant le corps comme le « territoire d’une métamorphose constamment à l’œuvre » (Moreigne 47), la pratique des disciplines circassiennes impose une forme de persévérance, garante du maintien des techniques et des corporéités nécessaires à l’exigence acrobatique (pour amateur·trice·s comme pour professionnel·le·s). Dans les sphères professionnelles et amatrices, la persévérance permet de s’accommoder à des états corporels qui changent en permanence et d’assurer aux circassien·ne·s de conserver l’ensemble des compétences, notamment la condition physique exigée par les pratiques aériennes en particulier. Une persévérance est générée par la pratique directement, car l’aérien impose ses difficultés et enseigne l’acharnement (les praticien·ne·s persistent contre leur condition terrestre et contre l’instabilité de leurs compétences et conditions physiques). En somme, la persévérance est une donnée inhérente à la pratique de l’aérien, et la dimension amatrice et non encadrée augmente cette qualité en n’étant soumise à aucune forme d’engagement professionnel ou pédagogique. L’ensemble de cette analyse nous mène à considérer l’espace aérien comme un environnement qui exige et qui produit à la fois une forme de persévérance dont la pratique amatrice non encadrée troque la dimension aliénante de la technique acrobatique pour une exploration corporelle permettant un retour à soi.

La persévérance intervient dans la pratique amatrice non encadrée à l’endroit de la répétitivité et de la longitudinalité de l’activité : les amateur·trice·s persistent dans le maintien des acquis, ce qui entre dans la définition même de l’entrainement. Il s’agit en fait de s’obstiner à conserver les capacités durement acquises au prix d’un effort double — celui d’évoluer dans les airs sur un agrès, et celui de s’imposer une autodiscipline. À l’issue de notre étude, il semblerait que l’entrainement opère comme la condition et la finalité de la pratique amatrice non encadrée de la corde lisse. Cette dernière est contenue dans un temps et un espace qui sont ceux de l’entrainement; par conséquent, la persévérance n’est pas une fin ni un objectif en soi de la pratique amatrice, mais apparaît plutôt comme une composante, voire une condition, de cette activité corporelle qui implique un engagement envers soi-même. La pratique amatrice non encadrée se détache d’autres pratiques physiquement engageantes par l’absence d’encadrement et par le fait qu’elle s’exprime majoritairement dans l’espace clos de l’entrainement. La répétitivité sur le long terme que permet le temps d’entrainement offre une occasion de constater l’intensité de sa propre persévérance. En permettant cette répétition, l’entrainement offre à la fois un entretien et une évolution des savoirs incarnés, mais aussi la possibilité d’être un·e spécialiste non professionnel·le. En s’obstinant à faire de l’entrainement le lieu et le temps où la pratique de l’aérien existe et se vit, l’amateur·trice persiste à prolonger la durabilité de ses capacités dans le temps. L’entrainement devient l’expression et l’aboutissement d’une pratique forgée pour et par soi, et la persévérance s’inscrit dans le refus de la voir diminuer ou disparaître. En reconnaissant l’entrainement comme une condition d’existence et de pérennisation de la pratique, la persévérance ne concerne ici plus que le corps : c’est alors une qualité qui offre un apprentissage de soi-même. L’effet d’une régularité et d’enjeux fixés par soi-même et pour soi-même est que la possibilité d’une écoute de soi et de ses sensations, voire d’un épanouissement, paraît décuplée. Finalement, persévérer dans cette pratique amatrice non encadrée assure l’amateur·trice que l’endroit intime de la suspension est toujours accessible, et qu’il s’y passe encore des choses qui résonnent même une fois les pieds revenus sur terre.

Notes

  1. Voir la page 152 : « En 2018, en France métropolitaine, 23,4 millions de personnes âgées de 15 ans ou plus ont pratiqué en amateur au moins une activité de loisir créatif, artistique ou scientifique au cours des douze derniers mois. » Source : Ministère de la Culture, Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS). « Diffusion des pratiques en amateur au sein de la population » dans Chiffres clés, statistiques de la culture, 21 décembre 2022.
  2. L’expérience du cirque amateur non encadré produit des discours et des réflexions qui ont d’ailleurs pu nourrir des recherches comme celle de Camilla Damkjaer, qui affirme une posture d’amatrice de cirque professionnelle, ou encore ma propre thèse, fruit d’une recherche guidée par la pratique. Voir : Damkjaer, Camilla. Homemade Academic Circus: Idiosyncratically Embodied Explorations Into Artistic Research And Circus Performance. Winchester, Iff Books, 2016; Bonnet, Lucie. Le corps aérien : lire le sensible et écrire l’éphémère (titre provisoire). Université Grenoble Alpes, thèse en cours.
  3. Mise en place de février à juin 2022, cette activité s’est déroulée de façon hebdomadaire et autogérée dans le cadre d’une recherche guidée par la pratique.
  4. Je fréquente les entrainements libres de l’école À la découverte du cirque (ADC) à Eybens depuis 2015.
  5. Je traduis : « The derivation of “amateur” is amo, amare, in Latin, “to love.” An amator, an “amateur” [sic] is simply a man who loves something […]. »
  6. Je traduis : « In other words, we must avoid the unidimensional thinking that pits the amateur against the professional in terms of, for example, little versus great skill, intrinsic versus extrinsic reward, avocational versus vocational orientation, or leisure versus work. »
  7. Je traduis : « […] who earned their living doing something else, but who were clearly expert [sic] in their respective areas of leisure. »
  8. Cette affirmation peut aussi s’étendre à l’ensemble des pratiques amatrices du domaine de l’art, ainsi qu’aux pratiques corporelles à domicile (à l’exemple du yoga) qui ne s’inscrivent pas non plus dans une quête de performance.
  9. Je traduis : « […] his real public may be small, composed of friends, relatives, neighbors, or other amateurs engaged in the same activity. »
  10. La corde lisse peut être pratiquée à plusieurs; en effet, ces agrès peuvent permettre d’effectuer des portés aériens.
  11. Je traduis : « The pure amateur has never seriously held such aspirations [of joining the professional ranks], or, if he has, he has failed, for some reason, to enter those ranks. »
  12. Dans une analyse de la typologie des spectateur·trice·s et des pratiques en matière de spectacle de cirque, il a été constaté que « 76,8 % [des spectateurs du groupe (C) ayant consommé le plus de spectacles sur les douze derniers mois] ont déclaré avoir déjà pratiqué du cirque en amateur, taux le plus élevé de l’échantillon. » Voir : Salaméro, Émilie, et Samuel Julhe. « De l’art de l’émerveillement à celui du détournement ». Terrains/Théories, vol. 7, 2017.
  13. Je traduis : « I will become fixated on a short phrase or sequence and run through it in many iterations. I will record the video, watch it back, and then run it and and revise it over and over. This has been essential for finding a style that feels authentic and natural in my body. »
  14. Dans le témoignage cité, c’est la vidéo qui permet de vérifier les placements, mais d’autres praticien·ne·s privilégient l’observation et le retour, voire la validation, entre cordélistes.
  15. Je traduis : « […] and although mid-air aerial bodies are frequently described as leaving an impression of insubstantiality, the substance of aerial performance comes from intense physical training. »
  16. L’Artiste de cirque en entrainement (LACE), Ésacto’Lido, septembre 2020 à mai 2021, avec le soutien du ministère de la Culture – DGCA dans le cadre de l’appel à projets « Recherche en théâtre, cirque, marionnette, arts de la rue, conte, mime et arts du geste 2020. »
  17. L’Ésacto’Lido est un établissement d’enseignement supérieur situé à Toulouse qui délivre le Diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque (Dnsp-AC). Le site de l’école accueille aussi bien les artistes en formation que les élèves de l’école de cirque de loisir du Lido.
  18. Je traduis : « Go to the barn, do whatever aerial rope I feel like. »
  19. Je traduis : « Honestly, I train what I want, when I want. » 20. Je traduis : « You cannot stay up on the rope for a long time, and each time you want to repeat a movement you have to climb up again, only to come down shortly after, go up again and so forth. »
  20. Je traduis : «You cannot stay up on the rope for a long time, and each time you want to repeat a movement you have to climb up again, only to come down shortly after, go up again and so forth.»
  21. Nous nous rapportons ici à la définition suivante : « La motivation se réfère au degré dans lequel notre comportement est sélectionné, dirigé, dynamisé, et maintenu pour satisfaire un motif particulier. » Je traduis : « “Motivation refers to the extent to which our behavior is selected, directed, energized, and maintained to satisfy a particular motive. » Voir Kazén, Miguel, et Markus Quirin. « The integration of motivation and volition in Personality Systems Interactions (PSI) Theory ». Why people do the things they do: Building on Julius Kuhl’s contributions to the psychology of motivation and volition, édité par Nicola Baumann et coll., Göttingen, Hogrefe, 2018, pp. 15-30.
  22. Je traduis : « accepting your body as it is, inner confidence, comfort with sexual expression, supportive environment, and appreciating your body’s abilities. »
  23. D’autres pratiques corporelles impliquant le bien-être et l’entretien de soi existent et ont fait l’objet d’études. Voir les travaux de J. Bahri (2012), A. C. Hoyez (2014), A. J. Dimler (2015), C. L. Park et coll. (2016), B. Simplício Barreto et coll. (2021), A. L. Jensen et L. F. Thing (2022).
  24. Je traduis : « It just feels right. »

Références

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