Au cours de l’histoire, le cirque a permis de représenter la science dans la culture populaire. Les arts circassiens ont montré les corps dans toute leur diversité et dans toute leur extravagance lors de prouesses physiques, véritables démonstrations de force, de souplesse et de coordination neuromusculaire. Par ces moyens, ils invitent le public à découvrir les sciences de la vie et les capacités du corps humain. Dans leur quête insatiable de nouveauté, de nombreuses compagnies de cirque ont intégré très tôt la technologie à leurs créations tirant parti des avancées réalisées dans le domaine des sciences physiques. L’ingénierie a, elle, permis de mettre au point de nouveaux appareils et d’améliorer la sécurité des artistes. En sciences sociales, le cirque propose souvent des réflexions et des analyses sur des normes culturelles. Il permet également d’aborder des problématiques sociales. Ces quelques exemples illustrent les relations de réciprocité qui existent entre le cirque et la science. Ce numéro de Circus: Arts, Life and Sciences présente des recherches menées récemment qui envisagent l’étude des arts du cirque à travers le prisme scientifique.

Pour débuter ce numéro, vous pourrez lire un article intitulé « Analyse biomécanique des charges appliquées sur la colonne lombaire des porteurs de barre russe » (Biomechanical analysis of lumbar spine loading in Russian bar porters). Dans ce dernier, Pierre Schmidt et ses collègues ont établi les conséquences des sauts droits, des saltos et des sauts enchaînés sur le corps des porteurs de barre russe. L’équipe de recherche souligne notamment que la technique qui consiste à garder le dos relativement droit et à travailler l’amplitude au niveau des hanches réduit la charge exercée sur la colonne vertébrale. Toutefois, les risques pour la santé et le bien-être des artistes sont réels. Par la suite, ce numéro propose une analyse des réactions physiologiques du public lors d’un spectacle de cirque immersif. Marion Cossin et son équipe de recherche ont mené une étude de faisabilité intitulée « Mesures physiologiques de l’implication du public et de la synchronie interpersonnelle lors d’une performance participative et immersive » (Physiological measures of audience engagement and interpersonal synchrony during an immersive participatory performance). Durant cette recherche, l’activation des systèmes nerveux sympathiques et parasympathiques a été mesurée au moment de la participation active du public. Les résultats ont été couplés à des mesures liées à la synchronie de groupe. Les auteur·rice·s en ont conclu que des capteurs portables permettent de collecter des données issues du public ayant activement participé au spectacle. Par ailleurs, ce groupe d’expert·e·s recommande d’instaurer une communication précoce et durable entre les équipes artistiques et les chercheur·euse·s afin d’optimiser l’expérience immersive et les recherches. La section « Sciences » se termine par une étude documentaire qui apporte un éclairage sur la manière dont les arts du cirque peuvent incarner un véritable vecteur de savoirs. Partant du constat que la recherche et la transmission des savoirs fondées sur les arts sont relativement peu représentées dans les publications en français, Julie Théberge et ses collègues ont décidé de rendre ces connaissances accessibles au lectorat francophone par le biais d’un article intitulé « Quand le savoir artistique se mêle au savoir scientifique : une revue de la littérature narrative sur les Arts-Based Research (ABR) et les Arts-Based Knowledge Translation (ABKT) ». À travers une série d’exemples tirés du monde circassien, on y découvre les fondements théoriques, la pratique, l’organisation, l’évaluation et les problèmes épistémiques liés à ce mode de communication scientifique.

Ce numéro contient également deux recensions d’ouvrages. La première, rédigée par Nele Wynants, porte sur le livre de Nic Leonhardt, Theatre Across Oceans: Mediators of Transatlantic Exchange, 1890–1925. Wynants constate que les avancées technologiques en matière de transport et de communication jouent un rôle clé dans les échanges transatlantiques pour le monde du théâtre et du cirque. Pour conclure, Rafael Santos de Barros passe en revue les textes qui composent l’ouvrage collectif El Arte del Circo en América del Sur dirigé par Julieta Infantino. Sa critique souligne la diversité des discours présents tout au long de ce recueil d’articles et il félicite sa responsable scientifique pour avoir su orienter sa sélection de façon à ce que certains points de vue contradictoires puissent entrer en dialogue. L’ouvrage donne ainsi un aperçu global des arts du cirque en Amérique du Sud.

Circus: Arts, Life & Sciences est une revue interdisciplinaire et nous en sommes fier·ère·s. Alors que ce numéro met en avant quelques-uns des nombreux domaines scientifiques existants, nous vous encourageons à aborder ces articles dans une perspective interdisciplinaire. Nous vous invitons à imaginer la manière dont ces études pourraient profiter à vos propres recherches ou à vos pratiques, et comment elles pourraient leur permettre d’avancer et de se développer. À l’heure où nous bouclons ce numéro, nous tenons à saluer l’apport de toutes les personnes qui y ont contribué, soit notamment les auteur·rice·s, les relecteur·rice·s pairs, les traducteur·rice·s, ainsi que les membres du comité de rédaction et l’équipe de publication. Nous remercions également Naila Kuhlmann, rédactrice invitée pour la section « Sciences » de ce numéro. Nous souhaitons aussi remercier Louis Patrick Leroux pour ses précédentes contributions à la section « Arts » et nous accueillons chaleureusement Gillian Arrighi qui lui succède dans ce rôle de responsable de section. Nous sommes non moins ravi·e·s d’accueillir Matthew Soloman et Maggie Vanderford qui supervisent désormais la section « Life ». Enfin, nous remercions HUPR et Fred Gérard pour avoir contribué respectivement à la photographie de couverture de ce numéro et du précédent.