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Du Corps danseur à l’Être écrivain : Représenter les danses afrodescendantes dans le Spiralisme littéraire

Author: Claire Massy-Paoli (Princeton University)

  • Du Corps danseur à l’Être écrivain : Représenter les danses afrodescendantes dans le Spiralisme littéraire

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    Du Corps danseur à l’Être écrivain : Représenter les danses afrodescendantes dans le Spiralisme littéraire

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Abstract

Que se passe-t-il du côté des esclaves, pendant la Nuit, quand le maître s’est finalement éloigné et que le conteur prend sa place ? Dans les Amériques au cœur de la période esclavagiste, et en particulier dans les Caraïbes, c’est le moment de la lawonn [la ronde], le moment des tambours, des chants, des récits et aussi de la danse. Le maître en a peur et interdit les tambours, mais les esclaves continuent, coûte que coûte. Ils ne font « que danser », pourtant c’est bien autre chose qui se passe : une force de vie incroyable, qui les pousse à se mouvoir et faire des gestes interdits, en dépit du passé de la « Nuit » de la cale et de toutes les nuits des journées de travail dans les plantations. On s’aventurera ici dans les textes de plusieurs écrivains caribéens de langue française pour voir comment l’écriture littéraire s’intéresse à la danse et montre le corps dansant. En Haïti, Frankétienne (1936-2025) donne à cette force d’émancipation des esclaves le nom de « spiralisme » dans une exploration à la fois théorique et poétique s’inspirant des danses ancestrales afrodescendantes préservées chez les personnes mises en esclavage. De Frankétienne à Chamoiseau, la spirale est donc immédiatement associée à la danse et au mouvement, menant à une libération du corps. Si de la spirale naît la danse, et de la danse la spirale, l’écriture littéraire peut-elle alors reproduire cette même force spiralaire de la danse pour une libération finale, mêlant les deux arts ?

Keywords: danse, spirale, Martinique, Haiti, French literature, Patrick Chamoiseau, esthétique, text

How to Cite:

Massy-Paoli, C., (2025) “Du Corps danseur à l’Être écrivain : Représenter les danses afrodescendantes dans le Spiralisme littéraire”, Conversations Across the Field of Dance Studies 44. doi: https://doi.org/10.3998/conversations.8515

Published on
2025-12-22

Peer Reviewed

« J’étais comme ces esclaves-danseurs, livrés aux arabesques d’une mémoire »

—Patrick Chamoiseau, Écrire en pays dominé, page 233.

Que se passe-t-il du côté des esclaves, pendant la Nuit, quand le maître s’est finalement éloigné et que le conteur prend sa place ? Dans les Amériques au cœur de la période esclavagiste, et en particulier dans les Caraïbes, c’est le moment de la lawonn [la ronde], le moment des tambours, des chants, des récits et aussi de la danse. Le maître en a peur et interdit les tambours,1 mais les esclaves continuent, coûte que coûte. Ils ne font « que danser », pourtant c’est bien autre chose qui se passe : une force de vie incroyable, qui les pousse à se mouvoir et faire des gestes interdits, en dépit du passage de la « Nuit » de la cale et de toutes les nuits des journées de travail dans les plantations. On s’aventurera ici dans les textes de plusieurs écrivains caribéens de langue française pour voir comment l’écriture littéraire s’intéresse à la danse et montre le corps dansant. En prenant une perspective poétique sur la danse, on interrogera la place de l’esclave dans le temps long des plantations tel que vu en littérature, et on tentera de saisir ce moment précis où le corps et les mots ne font plus partie de deux réalités séparées, mais convergent vers un corps qui parle, et surtout qui chante la liberté, quand les mots se mettent à danser.

Parler et écrire la danse n’est jamais facile, mais l’espace littéraire francophone Caribéen semble s’y être consacré d’une manière bien particulière (Bernabé Chamoiseau Confiant 1989), en donnant aux danses afrodescendantes une place à mi-chemin entre la description et le rêve, invitant à un nouveau genre de « choré-graphie ». L’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau (1953–), disciple d’Edouard Glissant (1928–2011), a ainsi centré ses textes sur l’écriture de l’esclavage dans un contexte à la fois colonial et post-colonial de langue française (Bonilla 2015), et s’est en particulier intéressé à ce moment où les esclaves dansent. Dans L’esclave vieil homme et le molosse (1997), Patrick Chamoiseau suit le parcours d’un « marron »2, vieil homme - esclave échappé de la plantation esclavagiste qui se perd dans les bois, poursuivi par le maître et son molosse, et qui subit une ultime transsubstantiation (devenant danseur, homme et écrivain) à la rencontre d’une pierre autochtones des Amériques. Dans ce texte à mi-chemin entre roman et poésie, la Nuit devient une métaphore des bois, de la liberté, et de l’expérience créative; Patrick Chamoiseau revient alors sur cette expérience de la Nuit et de la danse dans deux textes plus théoriques, Écrire en pays dominé (1997) et Le conteur, la nuit et le panier (2021) qui lui permettent de développer des éléments plus politiques dans le premier (l’écriture devient un espace de libération dans l’espace colonisé), et esthétiques dans le second (place de la danse et de la musique dans les Caraïbes et la libération des esclaves). A partir de ces trois textes de Patrick Chamoiseau, cette étude propose de s’immerger dans le monde linguistique et intellectuel de la littérature Caribéenne de langue française (Glover 2008) pour penser à la danse comme une incarnation littéraire du Spiralisme.

En Haïti, dans un terre au lourd passé esclavagiste, Frankétienne (1936–2025) invente le « Spiralisme » comme un mouvement littéraire utilisant l’image de la spirale comme métaphore de la force vitale (Kauss 2007). Les poètes spiralistes se sont alors lancé dans une exploration à la fois théorique et poétique se déroulant dans deux textes principaux : L’Oiseau schizophone (1998) et Ultravocal (2004). Pour Frankétienne, dans un contexte d’oppression allant du régime dictatorial au passé esclavagiste, la spirale agit comme une respiration, une dynamique d’une intensité esthétique, physique et politique tout à la fois, portée par deux éléments essentiels : le chaos et le mouvement. En s’inspirant des danses ancestrales afrodescendantes préservées chez les personnes mises en esclavage, Frankétienne se saisit de la forme de la spirale non pas comme n’importe quel objet géométrique, mais s’inscrit dans le cadre de la géométrie dite fractale, que l’on peut définir comme le fait le mathématicien Benoit Mandelbrot : « A l’origine, la géométrie fractale était une géométrie de la nature qui faisait appel de façon constante au chaos statistique. Mais à l’usage son rôle s’est énormément étendu. C’est une géométrie de la nature, et c’est une géométrie du chaos. » (Mandelbrot 1995, 188). Dans le cadre afrodescendant des Caraïbes, la forme géométrique de la spirale dans la danse est donc intrinsèquement liée à la nature et à son expression sous la forme du chaos (Azérad 2017)3 que l’auteur Haïtien décrit pourtant de manière positive dans la revue Dérives : « Il y a un chaos qui est fécond. » (1986/1987). Face à l’immobilité, le chaos apparaît alors comme une source de mouvement dansé (Murdoch 2021), une condition essentielle à la fois de l’émergence d’une force libératrice face à l’esclavage et d’un courant littéraire et esthétique, le Spiralisme4.

D’une Caraïbe à l’autre, on suggèrera que Patrick Chamoiseau se prend à jouer avec la spirale telle que définie par Frankétienne, en revenant à la fois à ses origines afrodescendantes (Sloat 2010) et à sa forme géométrique bien présente dans la danse : « Comme dans le Cahier5, danseur, tanbouyé, chanteur, conteur chevauchent une spirale qui s’effondre puis qui monte. » (Le conteur la nuit et le panier 165). De Frankétienne à Chamoiseau, la spirale est donc immédiatement associée à la danse et au mouvement, menant à une libération du corps. Si de la spirale naît la danse, et de la danse la spirale, l’écriture littéraire peut-elle alors reproduire cette même force spiralaire de la danse pour une libération finale, mêlant les deux arts? En suivant les textes littéraires de Patrick Chamoiseau, Edouard Glissant, et Frankétienne, on s’intéressera tout d’abord à la façon dont la littérature montre la place historique de la danse dans la plantation, et à l’importance de celle-ci dans libération des corps esclavagisé. Puis on discutera des possibilités poétiques de « sortir du cercle » de la Nuit dans une perspective plus spécifiquement stylistique littéraire. Une dernière partie permettra de revenir sur le potentiel poétique de l’écriture caribéenne comme lieu de danse, et de libération.

1. Danse spiralaire et libération des corps

Historiquement, dans le monde de l’ « Habitation, »6 le corps de l’esclave est dépendant du système social et organisationnel esclavagiste. Ayant déjà subi la cale puis la vente, la déshumanisation vécue donne une valeur soudaine au corps de l’esclave lui-même. Avant d’être un homme, l’esclave est vu comme un corps qui travaille, et l’esclave doit subir ce « travail » qui dirige son corps d’une action à une autre. Pourtant, l’esclave se développe aussi très rapidement un autre monde, celui de la Nuit, où le corps peut devenir autre. Dans ses textes littéraires, Patrick Chamoiseau imagine ce concept à partir des définitions d’Edouard Glissant, Poétique de la Relation (1990), la « Nuit » correspondant au moment nocturne de la veillée et des chants dans les plantations esclavagistes. La Nuit représente en effet à la fois le moment d’arrêt du travail (la nuit par rapport au jour) et un moment de liberté (loin des maîtres blancs) où tout est possible pour les esclaves. Patrick Chamoiseau décrit alors ce moment de transition entre le jour et la nuit dans Écrire en pays dominé :

Le travail tient la conscience du soleil-levé au soleil-déposé. Après les harassements du champ, on s’active sous la lune aux gragées du manioc ou aux interminables. Fatigues engourdissent l’Être. […] Parfois, elle défaille ou se rompt (suicide nocturne ou désespoir brisé contre la pétarde du Maître) mais le plus souvent elle demeure soudée aux assises du corps. C’est le corps l’arc majeur. Chaque miette de ses chairs reçoit des appétences de vie. La voix reste muette mais le corps danse. Danser. Danser. Ce corps ultime dans lequel on s’échoue tout entier. (154)

Dans les descriptions littéraires de Patrick Chamoiseau, pour l’esclave c’est pendant la Nuit que le corps qui travaille se transforme en corps qui danse : il reste un corps mais acquière une autre fonction que celle du travail esclavagiste (Foucault 1975). Loin encore d’une réelle révolution, cette étape essentielle fait du corps un étant, indépendamment de ce que l’esclavage veut en faire. Dans un mouvement dialectique, c’est alors la danse qui irrigue l’espace du travail, le corps devenant un corps danseur même dans l’espace codifié et réglé du travail du jour esclavagiste :

Si la danse est permise, on la soutiendra avec tambours ou des rythmiques de bouche, de pieds, de mains. Si elle est interdite, on la réfugiera dans un loin qui ne laissera filtrer qu’une tremblade du vent. Et on dansera, dansera. On dansera durant le labourage des champs. On dansera en retour. On dansera aux veillées de travail. (ibid.)

Partant du présent et de l’infinitif de l’action, Patrick Chamoiseau passe au futur en dérivation : on « danse » et on « dansera », par tous les temps. L’esclave n’est plus seulement « un » corps, mais possède son propre corps, et peut le diriger et le faire danser.

L’esclave renaît dans le réel, dans un mouvement qui prend sa source du Spiralisme de Frankétienne. Comme le poète haïtien décrit la spirale, en repossédant son corps, l’esclave semble en effet même « essayer d’être en mouvement en même temps que le réel, s’embarquer dans le réel, ne pas rester au-dehors du réel, mais s’embarquer dans le même train. » L’esclave se rapproche du réel en retrouvant le rythme et le mouvement dans la danse, et face à l’immobilité esthétique du travail forcé de l’esclavage, la danse spiralaire offre alors le mouvement et la dynamique d’un chaos essentiel (Chamoiseau et Morgan 2008). Entre la déshumanisation de l’esclavage et le chaos de la spirale il n’y a alors qu’un pas (de danse), et c’est la Nuit qui joue ce rôle de permutation chez Patrick Chamoiseau comme il le décrit dans Écrire en pays dominé :

Ses rythmes [du tambour] y servaient - dans une ambiguïté indémêlable - les intérêts du Maître et la reconstruction des corps esclaves brisés. La mémoire de ces corps remonte par bribes. Elle n’est pas continue. Elle est brisée aussi. Séquentielle. Hétérogène. Polyrythmique. […] Grâce aux rythmes, la personne étouffée dans l’esclave émerge. (156–157)

Dans la plantation de Patrick Chamoiseau, on danse pendant la nuit sur la musique des tambours et de la polyrythmie dans un chaos spontané et libérateur. Du chaos de la Nuit de la cale, le corps de l’esclave émerge littérairement comme danseur et en-deçà du corps, comme personne.

En écriture, cette présence du corps danseur implique en effet très vite la présence ou révélation d’une personne de l’esclave, comme un être-danseur : « L’Être revient dans la danse […] tout s’élabore par le geste dans le geste. Dans ce formidable silo qu’est le corps qui se rappelle par la secousse du vivre. » (ibid.). Comme le dit Patrick Chamoiseau dans Le conteur, la nuit et le panier, c’est par le geste premier que vient l’être. L’esclave passe donc d’un corps dominé à un corps à l’origine de l’être, puisqu’il se réinvente comme être dansant : « Avec ses mains, avec ses membres, avec ses coudes, avec ses jambes, avec un rythme secret, avec une volonté, avec une intention, il sculpte en lui et autour de lui le canevas d’une autre existence » (171). En d’autres mots, le geste permet de donner un autre sens aux mouvements7. Le mouvement sculpte alors le corps lui-même, mais aussi ses actions, faisant du danseur un être autre que l’esclave produit par l’esclavage. Le corps danse, mais surtout l’être danse. Chez Patrick Chamoiseau, mais surtout en esclavage tel que vu dans ces textes littéraires, la danse devient une vocation ontologique qui permet de (re)construire l’esclave en tant qu’homme. Lorsque la nuit arrive dans la plantation, la spirale prend l’esclave dans une danse chaotique qui le révèle à lui-même, comme corps mais aussi comme être. Force vitale et force créatrice, la spirale invite alors à sortir du cercle et à continuer cette révélation plus loin, dans un ailleurs corporel mais aussi spirituel. « L’œuvre spirale est constamment en mouvement » dit Frankétienne (1986), car si l’on ne s’arrête pas lorsqu’on danse avec la spirale, on ne s’arrête pas non plus quand on est avec la spirale.

2. Transsubstantiation

Dans les textes littéraires de Patrick Chamoiseau, l’émergence de l’être de l’esclave passe d’abord par une certaine mort symbolique, menant à l’émergence de l’être humain occulté par l’esclavage comme il le montre dans Le conteur, la nuit et le panier : « Pour un créateur, cette mort-résistance peut se faire symbolique. / Elle peut s’ériger en lieu d’une renaissance. / Elle est un effondrement qui, dans son mouvement même, se fait élévation. / […] Le danseur danse avec la mort, il danse avec sa propre mort. » (171) Alors que l’esclave danse, cette mort symbolique garde pourtant la « fécondité » de la spirale en donnant lieu à une immédiate renaissance : une élévation, qui est en réalité libération. Dans L’esclave vieil homme et le molosse, Patrick Chamoiseau décrit précisément ce phénomène de mort libératrice en s’intéressant à un esclave dit « marron », enfui d’une plantation. Dans ce moment de mort spiralaire, danse ultime avec la pierre autochtone des Amériques rencontrée pendant sa fuite, l’esclave de L’esclave vieil homme et le molosse repossède non seulement son corps mais aussi un « je » existentiel et syntaxique (135). Immédiatement, c’est un chaos spiralaire qui se réalise : « Une danse de célébration intérieure se déclenche. […] Destructions des limites… Célébrations! Célébrations! Je suis content, seigneur des danses. » (ibid.) En rencontrant la pierre, l’esclave est en effet soudain entré dans un « cercle des flammes » pour se laisser entraîner dans une « danse de célébration intérieure » qui le fait homme par la danse. Arrivant à la fin de l’organisme narratif, cette danse est tout à fait singulière dans le récit puisque l’esclave a jusqu’alors refusé de se laisser entraîner dans la danse. Plus précisément, chez Patrick Chamoiseau c’est lorsqu’il était dans l’Habitation il refusait constamment de rejoindre le groupe des esclaves et la lawonn : « On ne le voit pas danser lors des soirs de veillée. […] Il demeure dans son coin, des années durant, suçant une pipe de tabac-macouba dont l’incendie sévère lui sculpte la figure. Certains danseurs et tambouyés lui reprochent son apathie » (41). Dans le récit, on comprend que lorsqu’il était dans la plantation, le vieil homme ne voulait pas danser et se refusait véritablement à la danse, dans une attitude de résistance qui apparaît presque comme surprenante : l’esclave se refusait en fait à entrer dans la lawonn, et dans le cercle,8 or justement, c’est avec son marronage que l’esclave se dirige précisément loin du cercle.

Frankétienne définit ainsi le cercle en opposition à la spirale : « La spirale est comme une respiration. Spirale signifie vie par opposition au cercle qui, selon moi, traduit la mort. » (Jonassaint 1986) Paradoxalement, Frankétienne utilise ici l’un des éléments caractéristiques de relation à l’Africanité, et propose de redéfinir le cercle comme un élément nécessaire à une première libération, mais non suffisante.9 Pour Frankétienne, le cercle n’est pas uniquement l’élément caractéristique de la Nuit, puis de toute la diaspora Africaine (Daniel 2011) mais bien une forme qui reste liée à un certain cadre, celui de la plantation. Sous les mots de Frankétienne, le cercle se réinvente ainsi comme une spirale – un cercle en mouvement, ouvert. En marronnant, l’esclave est donc parti à la fois de la plantation, et de son cercle : il a rejoint une danse spiralaire et devient libre.

Dans l’écriture de Patrick Chamoiseau et la voix des esclaves qu’il représente, le marronnage est décrit dans un vocabulaire bien particulier : « C’est un tel qui a échappé son corps » écrit-il dans L’esclave vieil homme et le molosse (28). Le corps a « échappé », il est sorti du cercle et du groupe pour s’enfuir et être libre, comme l’emploi de l’auxiliaire actif le montre. Or dans le cadre du texte l’esclave doit malgré tout passer par une mort symbolique, menant à la danse. Edouard Glissant identifie narrativement cette même danse dans le début de Malemort par son « Dlan est porteur dans une descente de corps » (Glissant 1975, 13), avec un incipit montrant la portée du corps mort lors d’un enterrement (élément absent du récit de Patrick Chamoiseau). Malgré l’évidente « opacité »10 des lignes suivantes dans le texte de Glissant, on arrive malgré tout à distinguer à la lecture une scène de cortège funéraire où les porteurs portent un un supposé cadavre qui pourtant danse. « Il danse, je te dis qu’il danse! » (ibid., 15) revient ainsi dans les psalmodies anaphoriques des porteurs, mais aussi dans la description du corps car même mort ce corps est décrit par ses « déhanchements » et son « corps mouvant ». Edouard Glissant introduit alors un autre élément : le corps est en mouvement spiralaire (« il filait en rondes ») et cherche à s’échapper de nouveau de la ronde : « il tombait au long du cortège, attendant d’y être appelé. Il tombait. » (ibid.). Entre la hauteur des porteurs et le corps, la chute évoque la volonté de sortir du rang, avec un autre mouvement répétitif source de forces paradoxales : « La jambe tendue redressait le mouvement, avant que le corps - ou l’esprit - sans retenue planât sur cette sorte de Haut-Plateau, aventuré corps-esprit hors de lui-même […] l’autre jambe, création lourde s’arrachant de son plasma originel, venait jeter le corps vers une autre déclive […] Tombant roulant. » (ibid.). En quelques mots, Edouard Glissant indique un mouvement intensément physique, avec une jambe11 qui continue à bouger, à danser, à résister.

Le « corps-esprit » montre aussi que la danse n’est plus uniquement une action physique, mais qu’elle se transfère à « l’esprit » c’est-à-dire à une autre réalité : « ce corps unique balançait au rythme de la danse réelle qui aidait à dévaler le chemin mais permettait aussi d’imaginer la danse rêvée » (ibid.). Entre la « danse réelle » et la « danse rêvée », le corps se transforme, et la danse devient multiple. La « ronde des suppléants » (ibid.) doit alors « faire avec » ce corps qui part de la ronde et s’imagine en spirale, avec une alliance du corps et de l’esprit qui se retrouve chez Patrick Chamoiseau dans Le Conteur la nuit et le panier :

Le jaillissement émotionnel, cette forge créatrice à laquelle ont recours les artistes, est autant une ouverture de l’esprit qu’une ouverture du corps, ou mieux : libération de l’esprit, libération du corps. Une ouverture aux potentialités d’une alliance de l’esprit et du corps. […] Ce trouble est une « mise-en-mouvement. » (174)

La création semble ici se nourrir d’une double réalité : physiques et mentaux, le corps et l’esprit se transcendent. A la fois ouverture et jaillissement, la spirale se « met en mouvement », et s’active, agissant alors non seulement sur une libération du corps par la danse (Smith 2019), mais aussi sur le fait de danser entre les langues et les sens pour se libérer des mots. Pour Edouard Glissant, c’est cette pensée du chaos-monde qui est essentielle dans la Caraïbe (Marchetti 2006), en plaçant le chaos spiralaire en son centre : « Nous tournions autour de la pensée du Chaos, présentant qu’elle circule elle-même à contre-sens de l’acceptation ordinaire du chaotique et qu’elle ouvre sur un donné inédit : la Relation ou totalité en mouvement » (Glissant 1990, 154). Dans les mots de Glissant, tout nous rapporte à la spirale : on « tourne » et on « circule », le mouvement est là, mais il s’agit d’une danse qui a changé d’espace. Si la libération doit donc se faire toujours par la spirale, cette fois ce sera dans une danse de la langue.

3. Faire langue, ou la spirale des mots

Avec Le conteur, la nuit et le panier, Patrick Chamoiseau se saisit de cette même scène de cortège du Malemort d’Edouard Glissant pour réfléchir à l’acte d’écriture en cours dans le texte, et il se met alors à suivre le mouvement de la spirale : « Description des articulations fluides et changeantes d’un organisme narratif. […] chaque rythme développe une synchronisation de leurs corps, lesquels régissent aux évolutions de la descente jusqu’à en faire une danse collective continuelle. Le meneur donne le la, les corps se coordonnent. » (219–220). L’acte d’écrire devient dans les mots de Patrick Chamoiseau un acte physique, une chorégraphie (« synchronisation des corps ») collective où les corps sont ensemble par un ordre particulier (le « la »). Plus que le muscle, il s’agit maintenant des « mots » : « chaque mot survient avec la nébuleuse de ses analogies, avec ses forces; l’Écrire y capte des configurations par lesquelles il dessine, danse, chante, chemine en suspension. […] La maîtrise se fait dans l’abandon aux forces qui surgissent, sculptent la danse. » (ibid.). L’Écrire devient synonyme de danse, et écrire se fait donc comme une entrée en mouvement dans la spirale, à partir d’une force bien particulière. On revient alors à la Nuit fondamentale et au chaos initiant la spirale dans Le conteur, la nuit et le panier : « La polyrythmie est une vibration génésique. Elle fait du rythme une force agissante, une pensée rythmique. » (86). Patrick Chamoiseau fait ici référence à la polyrythmie, c’est à dire à la multiplication des entités rythmiques dans le même temps, élément caractéristique de l’identité musicale Afrodescendante, notamment dans le jeu des percussions. Patrick Chamoiseau ne se contente pas d’une référence thématique, mais en fait aussi un élément littéraire et esthétique sous la forme d’une « pensée rythmique » : chez Patrick Chamoiseau, la polyrythmie ne permet donc pas uniquement de bouger son corps sur un certain rythme (ou plusieurs rythmes ici) caractéristique d’une identité, mais permet aussi de penser par ce même mouvement. Patrick Chamoiseau invite ainsi à penser non plus linéairement sur un seul rythme comme le font les musiques occidentales, mais avec plusieurs motifs rythmiques possédant chacun leur propre techniqueassemblé dans une musicalité bien spécifique, qui devient pour l’écrivain un jeu stylistique. Il ajoute alors : « Celui qui sait écrire-tambour, connaît écrire, pratique l’Écrire. » (86–87). Écrire devient une pratique rythmique et identitaire, mais aussi et surtout une pratique musicale et en mouvement, faisant passer du rythme à l’Écrire dans Le conteur, la nuit et le panier :

Le moment-catastrophe permet au créateur la captation d’un emmêlement de forces.

Il y perçoit des rythmes.

Le rythme est une sensation. Les sensations déclenchent des images, des idées.

Un ensemble de sensations donne une résonance.

Un ensemble de résonances donne un mouvement.

Un ensemble de mouvements donne une mouvance.

La mouvance révèle des configurations de forces. […]

Ce sont elles qui, d’œuvre en œuvre, donneront l’œuvre. (220)

Dans ces quelques lignes on peut distinguer un phénomène ordonné bien précis : de la catastrophe vient le rythme, puis la sensation, les idées et les résonnances, puis le mouvement, la mouvance, et de nouveau la force.

Qu’on pense sémantiquement ou syntaxiquement, tout nous renvoie au principe de la spirale, qui fonctionne par accumulation du même motif à l’infini. On peut alors penser à l’ouverture de L’Oiseau schizophone de Frankétienne, activant la spirale :

Un voyage ahurissant aux ultimes frontières de l’imaginaire, dans un délire intensément lucide, marqué par les brûlures des mots incandescents. Une révolution langagière en profondeur. Un incendie de paradoxes. Une spirale enflammée de violences et d’horreurs. Une efflorescence de mythes et de symboles. Avec, d’un côté, la descente épouvantable […] Et, de l’autre, l’entrevision des beauté fugitives […], rythmée par les palpitations du chœur mystique. (Frankétienne 1998, 11)

Frankétienne convoque ici l’épouvante et la « beauté fugitive » du poème « A une Passante » de Baudelaire12, mais aussi les paradoxes, l’incendie et le délire langagier, pour définir une force de la spirale d’où les mots s’exprime. Dans la spirale, les mots arrivent alors comme défi entrant dans le mouvement, comme une danse à venir, dans les mots eux-mêmes.

Patrick Chamoiseau décrit ce même phénomène dans Le conteur, la nuit et le panier : « Le chanteur prolonge le corps du danseur, danse d’abord lui-même, puis développe sa propre autorité dans la puissance du souffle où se répètent des sons, des mots, ou déjà se dessine le verbe, où s’annonce la Parole. Dans le plus accompli de ses évolutions, le chanteur se transforme en conteur, maître de la Parole. » (86–87). Dans les mots de Patrick Chamoiseau, le danseur est devenu maître de la parole.13 Dans L’esclave vieil homme et le molosse, l’écrivain montre ainsi un personnage de danseur-conteur : le vieil homme lui-même. Anti-danseur, « Le vieil homme n’a jamais participé aux fêtes d’esclaves ni aux contes de veillées durant lesquels les paroleurs expliquent comment vaincre le molosse. Il ne danse pas, ne parle pas, ne réagit pas aux sonnailles du tambour. » (46). Le vieil homme, s’il n’est donc ni danseur ni chanteur ni conteur, agit pourtant sur chacun par une force spiralaire inattendue : il possède ainsi force spiralaire en lui-même, comme une force créatrice qui se réalise justement dans le silence.14 Créant de manière silencieuse, le vieil homme est passé de l’esclave à l’écrivain.

Entre le silence et le cri, l’immobilité et la danse, il y a un pas qui est celui de l’indéfinition de la spirale, dans une langue qui se cherche. De Frankétienne à Chamoiseau, en passant par Césaire et Glissant, c’est en effet par la danse des mots que la libération langagière se fait : la danse est devenue langage. Le chaos de la spirale qu’a définie Frankétienne a agi comme une libération, invitant de fait à sortir du cercle de la langue poli pour s’ouvrir au chaos-monde langagier. En pensant au Spiralisme, Frankétienne met en effet un mot sur un principe qui tient à la fois de l’esthétique, de la politique et d’une intensité littéraire. Il réfléchit l’indéfinition Glissantienne en partant de la forme géométrique (la fractale) pour l’étendre : la spirale est un mouvement en expansion, une intensité où le chaos a une place centrale, puisqu’au cœur de tout. On part du chaos, et on retrouve ce chaos à toutes les échelles, mais l’ensemble forme une harmonie (poly)rythmique qui ne s’arrête pas. Le chaos fait donc danser la spirale danse, à l’infini. Or c’est bien cet infini qui anime le mouvement du danseur dans la Nuit, telle que décrite par Patrick Chamoiseau. Dans le texte littéraire, on retrouve une lawonn qui va bien au-delà du cercle, et surtout qui s’échappe : c’est la polyrythmie du tambour, le geste impossible du danseur, et surtout l’esclave qui maronne et sort du cercle pour, précisément, choisir la force de la spirale et le chaos de la liberté. Dans cette dernière facette de la spirale, on sort alors précisément du carcan terrible de l’esclavage et de l’Habitation pour se réinventer ailleurs. Dans L’esclave vieil homme et le molosse, si la partie narrative clôt l’une des phases de la spirale avec la mort de l’esclave, c’est l’organisme narratif qui prend le pas et ouvre le discours à sa propre danse. Le geste de la spirale se retrouve alors dans les mots eux-mêmes. Ils se refusent à l’ordre de la langue, et s’offrent dans le chaos du langage et du tout. A l’image de la spirale, les motsse reflètent à l’infini, et continuent le mouvement. Littérairement, le corps qui danse est devenu un geste qui dit et qui libère, pour aller vers un au-delà. La force esthétique de la spirale dansée a repoussé les limites politiques du langage, le texte a pris corps, et le danseur n’est plus seulement esclave, mais est devenu écrivain.

Notes

  1. « Les Maîtres-békés interdirent les premiers tambours. Ils étaient fabriqués à la mode africaine dans des troncs d’arbre fouillés. Quand ces esclavagistes les découvrirent utiles aux cadences de travail (les esclaves déjouaient l’interdiction par des rythmiques de bouche), ils autorisèrent des tambours … » (Écrire en pays dominé 156).
  2. Voir Édouard Glissant. Le Quatrième Siècle. Paris : Seuil, 1962.
  3. Faisant du contexte mathématique un concept littéraire, Patrick Chamoiseau transfère cette même idée de chaos primordial à ses descriptions de la Caraïbe, où le chaos est non seulement nécessité mais aussi et surtout inévitable : « Vivre aux Antilles revient à être plongé dans une sauce dont le sel, l’oignon et le piment sont des calamités potentielles […] Nul besoin d’être très vieux aux Antilles pour avoir vécu une de ces calamités inscrites dans le probable. […] Moi, sans aucun palmarès, je traîne déjà plusieurs cyclones dans mes tracas de mémoire. » (Le conteur, la nuit et le panier 50).
  4. Marie-Édith Lenoble (2008) caractérise le Spiralisme comme une invariance d’échelle (la même irrégularité à toutes les échelles); un macro-ensemble chaotique mais une logique micro-littéraire; un élément minimal constitué par l’unité sonore; une énergie à l’infini.
  5. Patrick Chamoiseau fait ici référence au Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire (1983) : « Et à moi mes danses / mes danses de mauvais nègre / à moi mes danses / la danse brise-carcan / la danse saute-prison / la danse il-est-beau-et-bon-et-légitime-d’être-nègre / A moi mes danses et saute le soleil sur la raquette de mes mains » (63–64)
  6. Dans le vocabulaire de Patrick Chamoiseau l’ « Habitation » est la maison principale de la plantation.
  7. Voir Michel Foucault, Surveiller et Punir, 1. Les corps dociles.
  8. « Celui qui entre pour danser, arpente les limites du cercle créé par l’assemblée. » (Le Conteur la nuit et le panier).
  9. Pour Patrick Chamoiseau, le cercle est ainsi souvent limité à deux dynamiques : le cercle fermé, restreint dans la double notion de divertissement et de plaisir du folklore; et les danses de combats - damier, badia, belaire, etc. - à la fois « sectaires et orthodoxes » d’après lui. Avec Edouard Glissant (Traité du tout-monde 1997), Patrick Chamoiseau invite au contraire à un « dépassement » : il faut maintenant aller au-delà du cercle.
  10. Edouard Glissant revendique une forme d’« opacité » dans l’écriture Caribéenne (Poétique de la Relation 1990).
  11. « Un état pas ordinaire, à l’autre bord de ce monde mais avec lequel je peux vivre ce monde, cette jambe brisée, ce pauvre corps ridé, ce monstre impitoyable raidi en face de moi. » (L’esclave vieil homme et le molosse 135).
  12. La relation entre Baudelaire et la beauté est l’un des thèmes privilégiés de nos auteurs. Voir Baudelaire Jazz, Paris: Seuil, 2022.
  13. « On entre dans une la-ronde pour danser ou pour parler » (Le Conteur la nuit et le panier).
  14. « Sa présence renforce la frappe des tambouyés. […] Les danseurs - sans même qu’ils s’en rendent compte - trouvent en sa présence des bans de chair insoupçonnés. […] lui, impavide, reçoit ce don. Il joue du tambour sans en jouer. Il s’anime dans la danse en restant immobile. » (L’esclave vieil homme et le molosse 46).

Biographie de l’auteur

Claire Massy-Paoli est en thèse à Princeton University. Après des années en France où elle a étudié la littérature et la philosophie à la Sorbonne et l’Ecole Normale Supérieure, elle a été lectrice de Français à Johns Hopkins University. A mi-chemin entre la French Theory et l’esthétique, elle s’intéresse à la littérature contemporaine et aux arts de la scène (dance et musique). A travers une approche interdisciplinaire, ses recherches vont de Marcel Proust à Christian Gailly, aux deux pôles du XXe siècle. A côté du monde académique, Claire a aussi une activité de critique musical (correspondante Française au Metropolitan Opera).

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